Demain, nous pourrons (peut-être) contrôler les ouragans

Le scientifique finlandais Svante Henriksson a pour objectif d’envoyer des drones dans ces mastodontes pour diminuer leur puissance.

Projet démiurgique et dangereux pour certains, la géo-ingénierie – soit la modification du climat à l’échelle mondiale – est au centre de nombre de fantasmes, tant la perspective de réparer ce que nous avons détruit peut paraître séduisante. De son côté, le scientifique finlandais Svante Henriksson n’a pas cette prétention, qu’il juge d’ailleurs inquiétante. Invité à présenter son projet de « minimisation des ouragans » lors de Futur.e.s les 21, 22 et 23 juin prochain, il interviendra également lors d’une conférence intitulée « Climate fiction : modifier le climat, notre seule chance de survie ? », le 23 juin prochain à 14 heures, dans la Grande Halle de la Villette, à Paris. En attendant, nous lui avons demandé de nous en dire plus sur son mystérieux projet, Hurricane Unwinder.

Futur.e.s : Bonjour Svante. Pourriez-vous m’en dire plus sur votre projet de « minimisation » des ouragans ?
Svante Henriksson :
Mon projet, Hurricane Unwinder, est une méthode qui vise à rétrograder les ouragans en provoquant des turbulences conduisant à la perturbation du vortex. Ce projet intègre des éléments de machine learning dans ce qui a trait à l’identification des « points faibles » des ouragans, ainsi que des éléments de modification climatique, à l’image du cloud seeding – l’ensemencement des nuages – et de la vaporisation de carbone « suie », nécessaires à la création de ladite turbulence. À l’heure actuelle, le projet est en phase de R&D, et je suis à la recherche d’investisseurs.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser aux ouragans et à leur possible modification ?
J’ai toujours pensé que les destructions causées par les ouragans étaient insensées, qu’il devait y avoir un moyen de les réduire. Je me suis intéressé à l’histoire de la modification climatique des ouragans et j’ai rapidement imaginé des solutions tirées de celles employées dans des systèmes physiques similaires.

Pour le moment, êtes-vous en contact avec des institutions publiques, des clients privés ?
Ce que je peux dire, c’est que j’ai été contacté par des journalistes et par plusieurs investisseurs. De même, certains secteurs privés liés aux ouragans m’ont fait part de leur intérêt.

N’avez-vous pas du mal à convaincre tous ces acteurs du potentiel de ce projet ? Les projets de géo-ingénierie paraissent si ambitieux que l’on peine parfois à y croire.
Disons que certains s’y intéressent avec beaucoup d’excitation dès que j’évoque le concept tandis que d’autres, au contraire, restent sceptiques, sans toutefois refuser d’y croire ! Pour l’heure, nous sommes ravis d’avoir suscité autant d’intérêt avec notre projet scientifique.

N’avez-vous pas peur que l’humanité, à force d’intervenir dans le domaine de la géo-ingénierie, ne crée des troubles climatiques plus graves que ceux contre lesquels elle a voulu lutter à la base ?
Je pense qu’il est essentiel de distinguer ce qui relève de la géo-ingénierie et ce qui relève de la modification climatique – cette dernière notion englobe seulement les changements climatiques à court terme, et extrêmement localisés. Pour ma part, je suis très critique des initiatives visant à disperser des aérosols dans la stratosphère afin de « rafraîchir » le climat. De même, les projets de « blanchissement » des nuages me semblent être très risqués. Je trouve que le principe d’ensemencement des nuages, qui peut être extrêmement localisé, a plus à voir avec une irrigation qu’avec une géo-ingénierie globale.

Mon projet ne génère aucun effet secondaire majeur. Les ouragans font partie du système climatique global et permettent de retirer la chaleur excessive des mers tropicales tout en apportant des pluies à des zones continentales sèches. Je ne cherche en rien à perturber ce processus. Je souhaite simplement maîtriser les ouragans les plus violents lorsque ceux-ci s’approchent des terres.

Aujourd’hui, quels sont les acteurs majeurs de la géo-ingénierie ou, du moins, des modifications climatiques générées par l’être humain ? Nous avons souvent en tête les articles au sujet de la Chine et de ses tentatives d’ensemencement de nuages.
Cette pratique a été testée dans de nombreux pays, et cela a souvent été un succès – et pas simplement en Chine ! Je trouve que dans le domaine scientifique, et dans le regard que l’on porte aux innovations scientifiques, le conservatisme règne. Par chance, de nombreux projets émergent actuellement. Des chercheurs finlandais travaillent en ce moment-même aux Émirats Arabes Unis sur des projets visant à donner naissance à de nouvelles méthodes statistiques afin d’affermir nos preuves scientifiques. Dans le même temps, ils s’intéressent à des approches toujours plus précises d’ensemencement des nuages, ayant toujours en tête l’importance de la « juste mesure », d’intervenir uniquement sur la quantité nécessaire de nuages.

Pour finir, j’aimerais insister encore une fois sur les différences entre la géo-ingénierie et les modifications climatiques. Je reste convaincu que l’ensemencement des nuages mérite que l’on s’y attarde longuement, tout autant que la gestion des forêts et des terres agricoles et la façon dont celles-ci influencent les climats locaux. La gestion de la végétation et son lien avec la météorologie – par exemple dans le cadre de la météorologie forestière – devient peu à peu une thématique majeure pour les spécialistes du monde entier, sans que personne n’en parle vraiment. Face à cela, les propositions de géo-ingénierie sont parfois très critiquables, et effrayantes, même s’il ne faut pas toutes les mettre dans le même panier. Je crois que l’action de Climeworks, qui œuvre à la captation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, doit être prise en considération et soutenue !

▸ A retrouver pendant le festival sur le parcours « territoires »

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