Kikk Festival 2015 • Alchimie réussie entre créativité et entreprenariat

En 2014, l’équipe de Futur en Seine avait foulé les allées de South by Southwest et du WebSummit. Le weekend dernier, elle prenait la route direction la Belgique pour découvrir le Kikk Festival de Namur.

Depuis ces dernières semaines, la communauté numérique s’affole sur Twitter : le début de l’automne annonce la saison des grands festivals européens. L’occasion pour les entreprises, grands comptes et investisseurs de parler #networking, #investment, #growth et #opportunity et de profiter au maximum de ces temps de rencontre entre startups et entrepreneurs.

Mais ces derniers jours ont aussi été l’occasion de voir émerger une autre tendance et un autre modèle de festival : #DIY, #dataviz, #design et #creativity, tel était le vocabulaire du Kikk Festival.

Avec un type de public distinct (artistes, entrepreneurs, communiquants, grand public) et une programmation plus ouverte (ateliers, exposition, expérimentations, conférences) il se rapproche davantage d’un Futur en Seine avec une partie business moins centrale, au profit du champ artistique. Intrigués, on a voulu en savoir plus.

Au programme

Implanté depuis cinq années au centre de la ville de Namur, le Kikk Festival prend chaque édition un peu plus d’ampleur avec une programmation riche et variée :

  • – Au coeur du festival depuis le début, une programmation pointue de conférences rassemble le public devant des artistes, scientifiques ou entrepreneurs passionnés,
  • – S’y ajoute un espace d’exposition d’oeuvres d’art numérique variées, ainsi qu’une installation artistique “king size” dans l’Église Notre-Dame d’Harscamp,
  • – Depuis deux ans, un espace de démo de startups innovantes, le “Market” vient apporter une touche business au festival
  • – Quelques workshops donnent au public l’occasion de manipuler et de s’approprier des projets innovants
  • – Une ou deux soirées concert / performance apportent la touche festive
  • – Cette année voyait également la première édition du Smart Gastronomy Lab intégré au festival, exploration des liens entre cuisine, design, tech, sciences, art…

L’artiste, l’entrepreneur & le curieux

Gratuit et ouvert à tous, l’évènement avait rassemblé 5 000 participants en 2014. Sa vocation ? Faire naître une alchimie fertile entre artistes et entrepreneurs, et éveiller le tout public sur l’importance et la facilité d’accès de la créativité et de l’entreprenariat. À mi-chemin entre un Futur en Seine et un Scopitone (festival d’art numérique nantais), le Kikk trouble également par l’hétérogénéité de ses publics et par leur capacité à se mélanger. Si la majorité des visiteurs fait le déplacement pour apprécier la qualité de l’offre de conférences, il profite par la même occasion de l’exposition d’oeuvres et de l’espace de démos. Le Kikk se place donc comme l’un des rares festivals dans lequel on peut couramment croiser des entrepreneurs postés devant des installations artistiques (de l’artiste suisse Zimoun cette année ou du Lab212 en 2014), ou encore des artistes en pleine négociation commerciale avec des startups du Market.

Une dimension business naturellement présente

Malgré l’absence de programme business avancé pour les startups, et l’abandon d’une dimension BtoC testée en 2014, les startups présentes en démo se disent enchantées de la vitrine offerte par le festival et de sa capacité à booster leur développement en phase de pré-commercialisation. Le projet Bnome de WeRace & Vection VR (alliant simulateur de mouvement et réalité virtuelle) par exemple, avait été présenté sur le festival en 2014, alors à l’état d’ébauche. Forts du succès rencontré sur l’événement, les membres du projet ont quittés leurs emplois respectifs pour travailler à temps plein à son développement. Ils étaient de retour cette année avec un produit fini très abouti.

Les chiffres montrent la réussite du pari du festival : parmi les visiteurs en 2014, 85% étaient des professionnels, venus de 42 pays. L’événement compte d’ailleurs 50% de Belges, et 50% d’internationaux. Une conséquence directe de la décision de tenir les conférences de la “Main room” en anglais (celles du studio, plus petit, sont en français). 70% public est directement issus du monde du web, de l’entreprenariat et des technologies.

Une organisation optimisée par une communauté d’acteurs

Si en cinq ans le festival s’est imposé comme une référence sur la scène internationale, il le doit probablement à sa capacité à mobiliser la communauté d’acteurs de la région. Ainsi, les deux fondateurs du festival, Gilles Bazelaire et Gaëtan Libertiaux, sont-ils eux-mêmes directeurs du studio d’installations interactives Superbe et de l’agence de communication web DogStudio. Cette dernière prend donc naturellement en charge la communication web du festival, qui bénéficie chaque année d’une identité et d’un site renouvelés. L’organisation du Market est également supportée par Trakk, hub créatif et espace de co-création multidisciplinaire créé en 2014 à l’occasion du Kikk, qui assure également la réalisation des stands. Creative Wallonia, le programme wallon consacré à la créativité et à l’innovation, accompagne également le festival et contribue avec lui à faire bouger le territoire. Quant aux mains fortes nécessaires à l’accueil du public sur l’événement, elles sont celles de pas moins de 80 bénévoles mobilisés pour l’occasion.

Un kick au territoire

 

Ici, pas de dispersion des forces : on se concentre sur la qualité plutôt que sur une course aux chiffres. C’est donc sur les conférences que l’on mobilise la majorité des efforts, avec pas moins de 20 intervenants pointus invités cette année, parmi lesquels le pionnier en art média Golan Levin, et le chercher du MIT Media Lab Daniel Leithinger.

L’exposition d’art numérique concentre elle neuf installations (+ 1 dans l’Eglise), et le Market pas plus d’une vingtaine de startups, des chiffres raisonnables permettant de s’assurer une cohérence “éditoriale” dans la curation. Celle-ci transparaît d’ailleurs partout : “créativité + entreprenariat” semble le cri de ralliement du festival.

 

Pour cette cinquième édition, le pari est gagné pour le festival namurois qui affichait déjà complet plusieurs jours avant son lancement. L’événement se positionne davantage encore cette année comme une référence dans le paysage des festivals européens, et propose un modèle alternatif de festival numérique, loin des événements purement orientés pro et business tels que Slush ou WebSummit. Ici l’enjeu n’est pas la rencontre entre startups et entrepreneurs, mais la sensibilisation de tous aux liens entre les sphères créative et entreprenariale.

Le Kikk festival mise ainsi sur ses capacités à faire un travail de curateur de tendances et démontre que la superficie occupée par un événement n’est pas toujours proportionnelle à son succès. Très proche de Futur en Seine par son format (conférences, espace de démo, ateliers, le tout dans plusieurs lieux), le Kikk Festival pourrait s’apparenter à un équivalent “créatif” de l’événement parisien. Peut-être les deux événements seront-ils un jour amenés à collaborer ?


Merci à Gilles Bazelaire, Gaëtan Libertiaux, Marie du Chastel, Jil Theunissen et Bérangère Fally (Creative Wallonia) pour leur accueil et leur accompagnement sur place.

Millie Servant, chargée de communication web pour Futur en Seine 

FENS