Arielle Ahouansou n’a pas encore 30 ans, et elle a pourtant déjà marqué de son empreinte le système de santé béninois. Après avoir investi quelques centaines d’euros pour monter sa start-up, KEA Medicals, elle entreprend depuis de proposer aux acteurs publics et privés du système de santé de son pays différentes prestations, et notamment la mise en place d’un identifiant médical unique pour les patients, identifiant numérisé permettant un meilleur suivi de l’historique de soins et une plus grande fiabilité de l’analyse des praticiens. Nous lui avons posé quelques questions.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l’activité de KEA Medicals ?
Arielle Ahouansou : KEA Medicals est une start-up spécialisée dans la santé digitale, et notre principal intérêt est la digitalisation des systèmes d’informations hospitaliers, à travers un identifiant médical unique du patient. Via cet identifiant, nous arrivons à interconnecter différents hôpitaux afin de réactualiser à chaque fois le dossier médical du patient et de conserver son historique.
Pour le moment, notre activité est localisée au Bénin, et nous nous situons dans la phase pilote. Après cette phase, notre objectif est de nous étendre au-delà du Bénin, dans la sous-région, puis l’Afrique, et enfin ailleurs.
L’activité de KEA Medical pallie quels problèmes du système de santé béninois ?
KEA Medicals s’attaque d’abord au problème du manque d’informations du médecin face à une situation d’urgence. De cette solution débouche de nombreuses autres applications. Avec l’identifiant médical unique, nous retraçons l’intégralité de l’historique médical. Par conséquent, cela implique des économies de santé : un examen réalisé une fois n’a plus besoin d’être répété, même si le patient ne retrouve pas les documents adéquats.
L’autre problème résolu réside dans la fiabilisation des indicateurs de santé dans les hôpitaux : une fois que les informations médicales du patient sont insérées numériquement, les analyses deviennent beaucoup plus fiables et donnent une idée plus précise de ce qui se passe sur le terrain. Cela vise à contrecarrer les erreurs liées à l’insertion manuelle d’informations médicales.
Les hôpitaux béninois – et plus généralement, le système de santé béninois – ont-ils du mal à accepter l’apparition d’un acteur privé dans leur « domaine de compétences » ?
Au début, avec le secteur public, ça a été compliqué. Aujourd’hui, la situation a changé : le ministère de la Santé nous soutient. L’année dernière, avec le financement du ministère, nous avons pu organiser une tournée nationale au Bénin afin d’échanger avec les acteurs de santé locaux. Notre objectif était de leur prouver le bien-fondé de l’action de KEA Medicals, autant pour eux, dans leur pratique quotidienne, que pour le bénéfice du patient. Cette sensibilisation et un accompagnement constant nous permettent de changer l’état d’esprit afin d’implémenter notre solution. Evidemment, avec les hôpitaux privés, les choses sont plus simples, et nous avons pu redynamiser leur système de gestion.
A terme, ce modèle d’identifiant unique peut-il être transposé à l’intégralité des pays africains, et à l’intégralité des populations ?
Oui, l’objectif est de l’appliquer à tous les pays africains, et ailleurs. Vous savez, en France le problème du suivi du patient existe aussi ! Ce n’est pas une thématique 100 % africaine.
Parallèlement, nous sommes à portée de main de l’intégralité de la population, même dans les territoires reculés, même parmi les populations les plus défavorisées. Un patient illettré peut tout à fait recourir à notre identifiant médical unique parce que celui-ci prend la forme d’un bracelet ou d’un patch.
Dernière question : comment parvenez-vous à concilier la dimension « humanitaire » de votre activité avec un nécessaire retour sur investissement ?
Pour survivre, il faut évidemment que nous continuions à améliorer et faciliter la solution que nous proposons. Au niveau économique, nous proposons des patchs et des bracelets très accessibles aux patients, et des licences d’exploitation de la plateforme que nous vendons aux hôpitaux à un rythme annuel. Ces revenus nous permettent de rémunérer une équipe et de maintenir intacte leur motivation.