Afrofuturisme : Quels imaginaires pour les villes africaines du futur ?

Pour considérer l’utopie d’une ville durable, créativité et inventivité sont de mise. Le 29 octobre Futur.e.s in Africa fait la part belle à ceux qui inventent et pensent les villes africaines de demain dans une réflexion qui mêle art et architecture, mythologies africaines et savoirs vernaculaires, désir d’inclusion et d’expansion, saupoudré d’un zeste de science-fiction !

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Artistes et auteurs ont souvent tenté d’envisager différents scénarios de ce que seront nos modes de vie dans le futur. Certains tentent même de donner corps à ces projections à la vie réelle. En 1993, Mark Dery invente le terme “Afrofuturisme” pour qualifier les étudiants noirs américains des années 1980 et 90 qui investissaient la science-fiction pour parler des discriminations subies et des changements sociaux en tout en s’inspirant de la culture afro-américaine. Le concept est toujours dans l’air du temps. Entre gratte-ciels et cahutes, entre profusion et absence, urgences et patience, les villes africaines connaissent une expansion accrue, parfois chaotique, mais toujours grisante, propice aux imaginaires. Cette croissance urbaine génère des marges citadines, porteuses de nombreuses inégalités. Un sujet de choix pour le courant Afrofuturiste dont les œuvres, émancipatrices, formulent souvent une critique de la société actuelle. L’Afrofuturisme représente une opportunité de penser et re-penser les villes africaines et la manière dont on les habite, c’est pourquoi Futur.e.s in Africa tend le micro à ceux qui inventent, concrètement, les futurs territoires africains. Ceux qui, en s’inspirant des cultures et des arts africains, portent une réflexion sur la forme que pourraient prendre les villes de demain. 


Ikire Jones Hillbrow Community [Johannesburg 2081 A.D.]

“Afrofuturism was a tool that they could use to imagine a better future”

Forgé aux Etats-Unis dans les années 1990 dans les milieux afro-américain, le terme d’Afrofuturisme s’est répandu et a été disséqué par les penseurs pour tenter de donner une définition cadrée à un courant hors-normes. Il a été incarné, notamment par le chanteur Sun Ra, qui pendant ses concerts, se présentait en tant que pharaon de l’espace. Les artistes afro-américains se sont emparés de la science-fiction pour imaginer ce que serait la culture africaine du futur. Mode, musique, littérature ou arts plastiques, l’Afrofuturisme sert à qualifier des artistes aux pratiques très différentes et qui ont en commun de puiser leurs inspirations dans les cultures et traditions africaines. Les oeuvres artistiques issues de ce genre remettent en question le monde tel qu’il est aujourd’hui. Fikayo Adeola, fondateur d’un forum à ce sujet affirme que le genre afrofuturiste est un outil qui permettait aux afro-américains d’imaginer un futur meilleur. Une définition toujours actuelle puisque ce courant est porteur d’une réflexion prospective, tournée vers l’avenir afin de corriger les erreurs du passé. Le courant connaît un regain de popularité grâce à la super-production Black Panther, qui met en scène une société africaine qui n’a pas connue le colonialisme. En effet, l’Afrofuturisme comporte l’idée d’un affranchissement d’un passé de domination coloniale afin de repenser un avenir loin de ce cadre et des idées que cette période a pu diffuser, et ainsi d’affirmer le potentiel créatif de l’Afrique, continent indépendant et dynamique. Le Wakanda, pays fictif mis à l’écran par Marvel, présente des caractéristiques urbaines afrofuturistes que pourraient avoir les villes africaines du futur : des villes où la technologie est accessible à tous, où les traditions architecturales africaines sont développées pour s’adapter à la population croissante, où les codes esthétiques n’ont pas été brouillés par la colonisation. Ces villes sont d’ores et déjà imaginés et pensées par des architectes, innovateurs, designers et habitants. Exploration.

Diamniadio Lake City (DLC). [SEMER GROUP]

L’ARCHITECTURE COMME outil de RÉFLEXION pour le FUTURE

Si il n’existe pas formellement une architecture afro-futuriste, les architectes africains portent déjà une réflexion tournée vers l’avenir et nombre d’entre eux tentent de proposer des projets audacieux, novateurs et très ambitieux. Citons en exemple le projet d’Eko Atlantic dans la ville de Lagos au Nigéria, qui se rêve d’être la “Dubai Africaine”, un projet titanesque qui se heurte cependant à des difficultés dans sa mise en oeuvre. L’architecte américano-nigérian, Mariam Kamara, affirme que les villes africaines « construites au début de la colonisation, exhalent une structuration de l’espace urbain qui ne tient pas compte de nos modes de vie. Pour corriger le tir, il s’agit non pas de revenir deux cents ans en arrière, mais de regarder en face nos réalités économiques, notre identité, afin de définir nos propres règles architecturales. ». Cette vision de l’urbanisme où les héritages coloniaux sont réappropriés pour une architecture à la fois innovante et pragmatique est partagée par nombre de penseurs et concepteurs de ville. Ainsi émergent des projets urbains qui s’ancrent dans les nouvelles tendances de constructions et d’organisation des villes tout en tenant compte des caractéristiques propres à chaque pays. Ces projets urbains réinventent l’architecture vernaculaire africaine pour créer les villes d’Afrique de demain. C’est le cas notamment de la ville nouvelle Yennenga au Burkina Faso, dont la conception a été confiée à un consortium de cinq architectes qui avaient pour mission de proposer un ensemble innovant tout en tenant compte des spécificités du lieu. Ainsi la ville est pensée pour être autonome en énergie solaire, adaptée au trafic automobile intense qui va s’établir entre Yennenga et Ouagadougou, mais aussi en incluant dans la réflexion urbaine comment intégrer les arbres déjà existants dans la construction de la future ville afin de la verdir et de l’ombrager. La description de cette ville du futur n’est pas sans rappeler les quelques scènes qui montrent la vie utopique au Wakanda. Aussi mêler les imaginaires artistiques à la réflexion urbaine serait peut-être la solution pour trouver des  réponses au milieu urbain trop souvent fonctionnelles et standardisées. Quand les artistes afrofuturistes s’interrogent sur les questions d’égalité et d’inclusion, ce sont aussi des solutions qui transparaissent en filigrane. Ainsi l’afrofuturisme n’est pas seulement une manière de faire de l’art ou de raconter une histoire. C’est aussi l’occasion d’imaginer un monde plus désirable, juste et équitable pour tous, et s’en inspirer pour construire le monde de demain.

Une vue d’une rue animée de Birnin Zana, capitale du Wakanda. [Black Panther Marvel]

Une inspiration pour le monde ?

L’Afrofuturisme envisage des horizons des villes qui s’éloignent du modèle des Smart Cities, même si de nombreux pays d’Afrique mettent en oeuvre des projets ambitieux comparables  à Singapour ou Dubaï. Au Togo, au Ghana, au Rwanda ou au Nigeria, de grands projets urbains qui affirment la spécificité culturelle des pays sont déjà en cours d’élaboration. Les fab-lab émergent en nombre et deviennent une alternative aux modèles de diffusion et de création des technologies. Des initiatives prennent également cette voix, telle que celle d’Oulimata Gueye qui a développé Africa sf, afin de d’évoquer la place de la science sur le continent africain et les potentiels de la fiction comme espace et outil d’analyse et de projection mais aussi le programme Utopies Non Alignées qui porte sur les initiatives africaines qui pensent les technologies et les sciences dans une perspective réappropriation des moyens d’action. L’architecture en Afrique se détourne des codes occidentaux au profit d’une inspiration vernaculaire. Sénamé Koffi Agbodjinou pose la question de ce que pourraient être les villes du futur tout en s’inspirant des codes ancestraux des villages africains. Des villes durables, inclusives, où chacun a accès aux infrastructures et à la technologie, qui sont à l’image de leurs habitants… En invitant artistes, chercheurs et innovateurs à dialoguer, nous avons souhaité laisser la parole également à la création et aux cultures, qui n’ont de cesse d’interroger les utopies et les dystopies du monde qui vient.  

On en parle à Futur.e.s in Africa :

Afro-futurisme : l’Afrique, territoire de demain pour le reste du monde ?  CONFÉRENCE – Mardi 29 octobre au Siège de la Région Casablanca-Settat – 17:30 – 18:30

Au Micro :

Sename Koffi, Architecte et anthropologiste, Créateur du fablab Woelab, Togo.

Oulimata Gueye, Artiste et curatrice, France.

Driss Moulay Rchid, Directeur Général Casa Amenagement, Maroc.

Marie Yamte, Animatrice du Podcasts Afrotopiques.