Selon la Banque Mondiale, l’Afrique subsaharienne a généré 174 millions de tonnes de déchets en 2016 et devrait en produire trois fois plus en 2050. Dans un paysage de poubelles saturées, se pose la question de la gestion des déchets. Pour faire face à cette problématique des projets fleurissent : des solutions locales à un problème continental. Futur.e.s in Africa se penche sur ces réponses frugales qui pourraient passer à l’échelle.
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Les poubelles, l’épée de Damoclès au-dessus de l’Afrique
L’Afrique connaît une urbanisation accélérée, doublée d’une croissance démographique qui va du simple au triple, on estime à 4 milliard la population africaine en 2050. Si la vie urbaine a aidé des millions de personnes à sortir de la pauvreté, cette transformation rapide est source d’un problème de taille : la gestion des déchets. Les décharges sont débordées, des montagnes de détritus s’accumulent, multipliant les problèmes de santé et polluant l’environnement. Parmi les pays les plus touchés par ce phénomène : le Mali, le Niger, l’Éthiopie, le Congo, le Tchad, la Tanzanie, le Burkina Faso, le Mozambique ou encore le Nigéria. En 2008 Forbes annonçait déjà des chiffres révélateurs : 16 des 25 villes les plus sales du monde sont en Afrique. La Banque Mondiale tire la sonnette d’alarme et a pondu en 2018 What a Wast 2.0, un rapport dressant un portrait catastrophique mais pas désespéré. Ce rapport annonçait 174 millions de tonnes de déchets produit en 2016 et estimait une production triplée à l’horizon 2050. Pourtant des mesures sont prises à différentes échelles. Certains Etats cherchent à mener une politique en faveur d’une meilleure gestion des déchets, notamment le Maroc qui s’est engagé à lutter contre la production et la distribution de sacs en plastique, dont il était le deuxième consommateur mondial. Si un positionnement politique fort est nécessaire dans la gestion des déchets, celui-ci a tardé à venir en Afrique, c’est pourquoi des initiatives individuelles ou de start-up se sont multipliés. Créant ainsi un modèle alternatif à la gestion des déchets en dehors du cadre institutionnel, et générant par là une économie circulaire bénéfique pour les habitants. En effet, parce qu’ils sont directement touchés, habitants et start-up se réunissent et proposent des solutions frugales qui solutionnent, en amont et en aval, le problème des déchets.
(Photo : Sarah Farhat/Banque mondiale)
Quand la décharge sature, la nature trinque
First to first quelles sont les causes (multiples) de ce débordement ? Pointer la surproduction et consommation n’est pas une explication suffisante, cela fustige les populations alors qu’elles sont victimes collatérales d’une politique d’autruche de la gestion des déchets. Pendant des décennies l’Afrique a été la poubelle de l’Europe qui envoyait ses déchets -souvent toxiques- tantôt au Nigeria tantôt en Côte d’Ivoire. La réglementation en vigueur depuis 1992 interdisait aux pays d’exporter les déchets toxiques sans l’approbation des destinataires. C’est pourquoi les pays exportant des déchets électroniques hors d’usage vers l’Afrique le font sous couvert de proposer une aide en faisant un “don”. Les objets transportés sont alors considérés comme des objets de seconde main, soit du matériel électronique autorisé lui. Sans aller à parler du scandal du Probo Koala, le continent est ensevelis sous des montagnes de déchets aux origines douteuses. Des décharges sauvages apparaissent et plusieurs pays, dont l’Éthiopie, le Congo, le Burkina Faso, le Mozambique, le Mali ou le Niger voient leurs décharges déborder d’ordures ménagères mais aussi de matériaux toxiques ou d’équipements électroniques, venus des pays du Nord.
Aujourd’hui certains pays du continent africain ont mis le holà à ces déversements européens, ce qui un premier pas vers une gestion, moins saturée, des déchets. Car les conséquences humaines, sociales et écologiques sont désastreuses. Les populations vivant à proximité des champs d’ordures sont en danger sanitaire. Les décharges à ciel ouvert sont pointées du doigt dans l’épidémie de choléra de septembre 2018. A Bamako, une autre problématique découle du fait du manque d’infrastructure : faute de ramassage régulier et d’une gestion adaptée, les déchets sont laissés dehors par les habitants, entraînant une pollution des sols et des maladies pour les habitants contraints de vivre proche de ces quartiers.
Selon la Banque Mondiale 69% des déchets sont déversés à ciel ouvert et souvent brûlés en Afrique sub-saharienne, 24% des déchets sont éliminés et environ 7% d’entre eux sont recyclés ou récupérés. Ces chiffres reflètent le manque de structures existantes, en particulier dans la mise en place d’un système de recyclage efficace. Pour pallier ce manque des individus en quête d’une rémunération s’improvisent récupérateur ou chiffonnier. Un rude métier et pourtant accessible à tous, enfants, adultes, et au salaire tangible. Les locaux vont trier les déchets et revendre les matériaux qui ont de la valeur. D’autres se sont organisés pour récupérer les déchets électroniques et leurs donner une nouvelle vie, générant ainsi une économie en circuit-court où les déchets ont la part belle en étant une véritable source de revenu.
Rien ne se perd, tout se transforme
Avec la croissance démographique, les déchets s’accumulent, les problèmes s’accentuent et les impératifs se succèdent. Les océans d’ordures sont à traiter, il faut trier, recycler ou détruire. Cela implique de créer des infrastructures, former les gens, permettre aux récupérateurs des conditions de travail plus sécurisées…. La transition vers une gestion durable des ordures ménagères implique des efforts sur du long terme et un investissement de départ considérable. La Banque Mondiale estime pour les pays à faible revenu, la gestion des déchets représente 20% des budgets municipaux, à Lomé, capitale du Togo, cela s’élève à un tiers du budget de la mairie. Il existe nombre de propositions pour une meilleure gestion des déchets : construction de déchèteries, recyclage des matériaux, optimisation du cycle de l’objet… C’est pourquoi des start-up ont fait le choix de se placer comme maillon de la chaîne du recyclage. C’est le cas de Coliba, une start-up Ivoirienne qui a une double action : revaloriser les déchets plastiques du pays mais aussi sensibiliser les plus jeunes aux problématiques environnementales. Ainsi les membres de Coliba se rendent dans des écoles pour donner des cours sur le tri et la gestion des déchets auprès des enfants.
Une autre solution, inclusive, serait de reconnaître le métier des ramasseurs de déchets en les intégrant dans l’économie formelle. Les récupérateurs sont à l’origine d’une économie circulaire qui se révèle souvent bénéfique pour tous, et qui le serait davantage s’ils n’étaient pas invisibilisés. DK Osseo-Asare prend en exemple Agbobloshie, le cimetière des technologies dans la banlieue d’Accra. Là-bas des habitants s’improvisent ferrailleurs et récupèrent le plastique, l’aluminium, l’acier, le verre, le cuivre et les circuits imprimés. Outre la valeur des déchets récupérés – il y a plus de métaux précieux dans une tonne de déchets électroniques que dans une tonne de minerais extraite d’une mine -, cela représente une nouvelle vie pour tous les composants encore fonctionnels. Les récupérateurs fournissent les ateliers de réparation disséminés dans tout le Ghana. Les techniciens y rénovent les équipements électroniques pour les revendre d’occasion aux clients qui ne peuvent s’offrir un appareil neuf. DK Osseo-Asare s’est alors posé la question de réunir les mineurs urbains, techniciens autodidactes et des innovateurs professionnels au sein de Sankofa Innovation. Cela a permis l’émergence d’une communauté de créateurs qui promeut une économie circulaire et locale que l’on pourrait imaginer passer à l’échelle.
Et si le frugal passait à l’échelle ?
Bien que souvent reléguée sous le tapis, la question des ordures est inhérente à toute problématique urbaine : imaginer un futur durable pour les villes c’est aussi penser la gestion des déchets afin d’offrir des cadres de vie décents aux habitants. Les solutions à petite échelle, souvent frugales, sont actuellement plus efficaces et plus inclusives que les réponses institutionnelles au débordement des décharges. Par exemple, le Woelab, un fablab togolais, est un espace d’innovation partagée où s’élabore de nouvelles approches de la collaboration productive vertueuse. En portant le projet HubCité, le Woelab considère que la start-up est plus rapide que l’urbanisme pour changer la ville. Ce projet fait de Lomé la ville-laboratoire d’un nouveau modèle d’urbanisme participatif. L’idée est d’apporter une réponse locale à un problème local. Ainsi le Woelab propose des solutions efficientes qui répondent aux besoins des habitants tout en les incluant dans le processus de création. Telle que la start-up Miledoo qui a conçu une poubelle connectée de 1m3, celle-ci envoie un SMS dès qu’elle est pleine. Une innovation conçue au Togo dont le modèle pourrait être reproduit dans plusieurs pays. Transposer des solutions locales pour des réponses collaborative à un problèmes qui affecte tout le continent, voici l’innovation telle que la défend Futur.e.s in Africa.
>>> Rendez-vous le 29 octobre à Casablanca <<<
On en parle à Futur.e.s in Africa :
Environnement et déchets : passer du frugal à l’échelle – CONFÉRENCE – Mardi 29 octobre au Siège de la Région Casablanca-Settat – 15:00 – 16:00
Economie Circulaire et Innovation – ATELIER – Mardi 29 octobre au Siège de la Région Casablanca-Settat – 13:00 – 15:00
Au micro :
DK Osseo-Asare, designer, innovateur et co-fondateur de Agbogbloshie Makerspace Platform (AMP), un projet de fablab open source au Ghana.
Martine Vullierme, Client Partner chez Alexander Hughes, France.
Julie Lamia Repetti, Co-fondatrice de SetTIC, Senegal.
CCG, Maroc
Isabelle Hoyaux, Fondatrice de ScaleChanger, France.
Au programme :
Biodome (Maroc) fabrique des machines électromécaniques in situ : La machine reçoit chaque jour les déchets organiques et les transforme en continue en compost mature.
Coliba 2.0 (Ghana) est surnommé le “Uber du recyclage en Afrique de l’Ouest”, et vise à changer la manière de recycler en Afrique de l’Ouest.
Lombrisol (Maroc) invente une solution écologique, durable et moins coûteuse pour le traitement des déchets organiques.
SetTIC est la première société sénégalaise spécialisée dans le recyclage de déchets électroniques autorisée par le Ministère de l’Environnement. Ils collectent, démantèlent les équipements et trient les composants pour les renvoyer vers des filières spécialisées.
La start-up WoeBots (Togo) donne une nouvelle vie aux déchets électroniques pour fabriquer des imprimantes 3D.
Foodhubs (Nigeria) propose des chariots froids fonctionnant à l’énergie solaire et dotés de capacités loT pour aider les agriculteurs à stocker leurs produits afin d’éviter des pertes après la récolte.