Les 1er et 2 mars prochains, les écosystèmes numériques français, marocain et plus largement africain se réuniront à Casablanca lors de FUTUR.E.S in Africa afin de se rencontrer, échanger et, on l’espère, collaborer sur le moyen et long terme. Pour cette occasion, Cap Digital s’est associé à L’Oreille, un laboratoire d’innovation focalisé sur les thématiques de développement durable et inclusif en Afrique, dans l’optique de donner naissance à la programmation la plus adaptée, inspirante et cohérente possible, programmation que les visiteurs et invités pourront découvrir à travers des conférences et des ateliers centrés sur les territoires, la santé et l’éducation. Nous avons demandé à Hélène Allain de Cap Digital et Stéphan-Eloïse Gras de L’Oreille de nous en dire plus.
Comment avez-vous réussi à articuler les approches de L’Oreille et de Cap Digital ? En quoi se sont-elles complétées pour donner naissance à cette programmation ?
Hélène Allain : Cap Digital et L’Oreille partagent une même vision de l’innovation, vision que soutient également notre co-organisateur au Maroc, Maroc Numeric Cluster. L’innovation est vue comme un levier de développement économique certes, mais également sociétal : l’innovation que nous défendons doit se mettre au service d’une santé mieux prise en charge pour tous, d’une éducation plus facile d’accès et orientée vers les besoins globaux comme locaux, de territoires plus compétitifs mais aussi plus inclusifs.
Nous avons également en commun le désir de croiser les approches, convaincus que les problèmes auxquels le monde fait face aujourd’hui sont globaux, et les solutions nécessairement enrichies par des expériences terrain, des savoir-faire et des mises en œuvre différentes et complémentaires. C’est pour cela que nous souhaitons mettre autour de la table des conférences et ateliers des profils divers, entreprises, pouvoirs publics, start-up et chercheurs venus de neuf pays différents, pour faire naître des pistes co-construites d’innovation.
Je crois que nous nous retrouvons enfin sur la notion de frugalité, pour que l’innovation puisse se développer avec les ressources locales, qu’elle soit orientée vers des futur.e.s plus durables.
Pourquoi avoir choisi ces trois thématiques ? En quoi incarnent-elles les enjeux actuels et à venir de la collaboration entre la France et l’Afrique ?
Hélène Allain : Santé, territoires et éducation/formation sont des secteurs clés pour le développement : ce sont depuis un certain temps déjà les thèmes principaux qui traversent le festival FUTUR.E.S, et sur lesquels se concentrent également les actions des régions Île-de-France et Casablanca-Settat. Depuis neuf ans, FUTUR.E.S place l’éducation au centre de ses préoccupations pour préparer la jeunesse comme les travailleurs au monde d’aujourd’hui et à ses mutations – technologiques ou non. À l’image de ce qui existe pour la santé, nous pensons que les solutions éducatives que l’on trouve en France et en Afrique peuvent se compléter, s’inspirer les unes des autres, et trouver des pistes nouvelles de développement.
Les territoires seront abordés de manière plus large que la simple smart city, parce que les enjeux vont souvent bien plus loin que la question des transports ou des bâtiments intelligents. Ce thème nous permet d’aller creuser – par l’intermédiaire de démos africaines, françaises, marocaines – du côté de l’AgTech, mais aussi de la citoyenneté, de l’environnement. Pour finir, on s’aperçoit vite dans un évènement comme celui-ci que les solutions innovantes dans un domaine peuvent profiter à d’autres secteurs : ce sont ces transferts d’usage et ces partenariats technologiques que nous recherchons avec FUTUR.E.S in Africa.
Comment faire pour que l’acculturation au numérique ne soit pas une nouvelle source d’inégalités sur le continent africain ?
Stéphan-Eloïse Gras : Les inégalités en matière numérique ne sont pas réservées à l’Afrique ! Partout dans le monde, l’acculturation au numérique doit se faire en fertilisation croisée en respectant les spécificités locales…
Notre parti pris est qu’il faut regarder l’innovation en Afrique – qui émerge sur la scène internationale depuis plus de dix ans – dans toute sa diversité, comme réagissant à des contraintes et des difficultés qui sont globalement partagées (emploi, réchauffement climatique, immigration, santé, inclusion des femmes, etc.). Les interventions de personnalités comme Navi Radjou ou Rebecca Enonchong sont centrales dans ce sens. Nous voulions renforcer l’idée qu’il est essentiel d’accélérer les solutions de demain au sein d’une communauté numérique internationale qui apprenne des faiseurs d’innovation sur le terrain. Les innovateurs, start-up, chercheurs, ou activistes invités à FUTUR.E.S in Africa ont un message et un savoir-faire à partager, tout autant qu’ils peuvent apprendre au contact des entrepreneurs ou décideurs économiques – qu’ils soient français, marocains ou européens.
FUTUR.E.S in Africa entend remédier à la difficulté qu’ont les start-up africaines à se connecter aux grands groupes du continent. Pouvez-vous en dire plus ?
Stéphan-Eloïse Gras : Pour la plupart des start-up présentes sur le continent africain, l’accès aux réseaux internationaux de décideurs économiques et politiques est difficile. Nous avons conçu la programmation de façon à distribuer l’expertise et à instaurer un dialogue entre ces jeunes innovateurs, les grands groupes internationaux et les décideurs, autour de questions concrètes sur des problèmes communément partagés, dans le domaine de la santé, des territoires et de l’éducation.
D’autre part, des workshops auront lieu en parallèle des sessions publiques afin de permettre aux participants de travailler plus en profondeur et dans l’intimité d’un petit groupe sur les leviers à activer pour accélérer ou faciliter la mise en œuvre de solutions sur le continent. Enfin, des temps de networking, comme la soirée du jeudi durant laquelle aura lieu la remise des prix, sont, comme chacun le sait, extrêmement importants pour créer des connexions dans la bienveillance et la détente !