Pour la start-up ScholarX, réduire les inégalités scolaires passe par la démocratisation des bourses et du crowdfunding

Comment faire pour réduire les fractures éducatives qui minent l’ensemble des pays du monde ? A cette question, l’entrepreneur nigérian Bola Lawal n’a pas de réponse globale et incantatoire à offrir. Ce trentenaire préfère se baser sur son expérience personnelle pour s’attaquer à un problème qui l’a touché au cours de sa jeunesse : la cherté des études supérieures, et plus généralement les inégalités face au coût de l’éducation. Pour ce faire, il a créé ScholarX, une plateforme qui vise à faciliter l’obtention de bourses pour le plus grand nombre. Il a gentiment accepté de répondre à nos questions.

Bonjour Bola. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est ScholarX ?
Bola Lawal : ScholarX est une plateforme éducative destinée principalement aux jeunes Africains à la recherche de bourses pour financer leurs études. Nombre de ces jeunes viennent de milieux modestes et n’ont presque aucune chance d’accéder aux mêmes opportunités que les autres. ScholarX vise à leur donner une bonne éducation, mais également des outils pour décrocher un job, s’insérer sur le marché du travail. Disons que ScholarX est un pont permettant aux moins chanceux d’accéder à des écoles, des institutions et des marchés jusque-là inaccessibles.

ScholarX prend la forme d’une « super-app » centralisant de nombreuses possibilités d’obtention de bourses d’études. Nous contactons également des entreprises afin que celles-ci financent directement la formation de certains jeunes. Enfin, nous proposons un service un peu différent, qui permet aux jeunes à la recherche d’une très faible somme d’argent – quelques dizaines d’euros pour une année d’études, par exemple – de recevoir cette somme via une plateforme de crowdfunding. Cette plateforme connecte la diaspora d’un pays – qui désire aider au développement de son pays d’origine – avec les jeunes vivant sur place, ceux qui ont beaucoup de mal à financer leurs études.

Et d’où vous est venue cette idée ? De votre background personnel ?
Tout à fait. Je suis né à Washington D.C., et j’ai déménagé au Nigéria à l’âge de trois ans en compagnie de mes parents, après qu’ils ont étudié aux Etats-Unis. A cette époque, en 1985, un dollar équivalait à un naira, la monnaie nigériane, ce qui a poussé de nombreux expatriés à rentrer au pays après leurs études.

J’ai donc étudié à l’école, au collège et au lycée au Nigéria, mais accéder à l’université là-bas est une gageure : il n’y a pas assez de places, ce qui laisse des centaines de milliers de jeunes sans diplômes supérieurs. Trois ans après la fin de mon lycée, je suis retourné en Amérique pour aller à l’université. J’étais seul, mes parents avaient divorcé, ma mère n’avait que peu d’argent à me donner : logiquement, je travaillais en parallèle de mes études. Je bossais à temps plein, et le reste de mon temps était occupé par les cours. Travailler et étudier en même temps, c’est très difficile. J’arrivais très souvent en retard, et j’ai fini par être exclu de la fac. Ça a été une période très difficile de ma vie.

De cette expérience, j’ai tiré une idée qui ne me quitte plus : rendre l’éducation accessible à tous par l’intermédiaire d’une plateforme réunissant des propositions de bourses, puis en y ajoutant la dimension de crowdfunding. Si une plateforme de ce type existait déjà aux Etats-Unis, je ne l’avais jamais vue sur le continent africain.

Comptez-vous développer votre plateforme au-delà du continent africain ?
Vous savez, il n’y a pas qu’en Afrique que l’éducation est inaccessible pour certains ! Et les frais de scolarité augmentent d’année en année, la situation n’est donc pas sur le point d’être réglée. Malgré tout, il est évident que la situation au Nigéria n’est pas reluisante : parmi les 16-25 ans, la problématique de l’accession à l’université est omniprésente. C’est ce problème qui m’anime au quotidien, et je suis persuadé que l’outil numérique est un bon moyen de pallier certaines des carences les plus criantes du système éducatif. Et je ne parle pas d’accéder à Harvard, ou quoi que ce soit d’irréalisable en l’état actuel des choses. Tout ce que je désire, c’est fournir le minimum pour que les jeunes puissent étudier et acheter le matériel éducatif nécessaire.

Quel regard portez-vous sur le système éducatif du Nigéria ?
Je reste modeste. Je sais pertinemment qu’une seule mesure, un seul outil ne permettra jamais de résoudre la majeure partie des problèmes du système nigérian. Personnellement, je crois que les acteurs publics n’arrivent plus à répondre aux défis d’aujourd’hui – du moins, ils ne peuvent y répondre sans le soutien de tout le monde, et notamment du secteur privé, et du secteur associatif.

Et qu’en est-il de la qualité des cours auxquels peuvent accéder les jeunes recevant des bourses ? 
Il nous est difficile de suivre tous ces jeunes individuellement, nous l’admettons humblement. On nous parle souvent de cela : du suivi. C’est un thème sur lequel nous cherchons à nous améliorer, mais nous restons convaincus que dans de nombreux pays, dont le Nigéria, permettre à des jeunes d’arrêter de traîner dans les rues pour aller en cours est une chose essentielle. C’est le plus important.