Dans le dernier article de la série Sport & Innovation, les stades et leurs évolutions étaient à l’honneur. Cette semaine, on reste du côté des stades mais pour une pratique bien différente : celle du sport électronique, ou e-sport (pour electronic sport), qui désigne la pratique de jeux vidéo en compétition. Aujourd’hui, il y a autant de gamers que de fans de sport (2 milliards) et le e-sport touche un public de plus en plus large et divers : 40% des fans de e-sport ne sont pas eux-mêmes gamers (chiffres Newzoo).
En quoi le e-sport est-il sport ?
Cela tient d’abord à une question de format. Comme l’explique Flavien Guillocheau de Pandascore dans la Lettre de veille de Cap Digital : “concrètement, l’e-sport, ou electronic sports sont des compétitions de jeux vidéo auxquelles on a ajouté la notion professionnelle. Il y a des joueurs, des équipes, des agents de joueurs, des coaches, des analystes… Ils travaillent tous pour faire gagner leur équipe”.
Tout comme le sportif, le e-sportif a ses sponsors, son matériel sponsorisé, son agent, son entraîneur et certains sont de réelles stars dans le milieu.
Et quid de l’activité physique ? En se penchant sur la question, on réalise vite que même s’ils ne semblent pas mobiliser tout leur corps dans l’effort, les joueurs adoptent de véritables “mechanical skills” : coordination oeil-main, temps de réaction, nombre d’actions par minute, tactique, concentration, prise de décision, résistance au stress. (à lire plus en détail sur le site de l’Équipe). Le corps est donc autant mobilisé que le mental. Malgré tout, à l’heure actuelle, la question du corps reste encore méconnue et mal encadrée : il n’y a pas de médecin spécialisé dans ce domaine pour accompagner les équipes professionnelles pourtant touchées par des blessures fréquentes, notamment le syndrome du canal carpien.
Mais les choses vont probablement changer rapidement dans les mois et années à venir : pour preuve, Red Bull a récemment créé un High Performance e-sport Lab en Californie.
L’essor du e-sport
S’il existe depuis 20 ou 30 ans, le e-sport ne s’est professionnalisé que depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, il génère des revenus conséquents et a fait sa place au centre des intérêts des marques et sponsors (Coca-Cola, RedBull, New Balance, Asus,…), imposant sa légitimité dans le paysage sportif. Le rachat de Twitch, célèbre plateforme de streaming de e-sport par Amazon en août dernier a marqué une étape. À l’heure actuelle, les tournois de e-sport rassemblent des dizaines de milliers de spectateurs, à l’origine d’une véritable économie et impliquent de plus en plus d’acteurs.
La fin d’année 2015 a marqué un tournant pour la discipline, avec la reconnaissance du e-sport comme sport à part entière, grâce à la loi sur le numérique d’Axelle Lemaire dont l’adoption par le gouvernement vient d’être actée (à noter que les échecs sont, eux, reconnus depuis l’an 2000).
Génération E-sport – L’Équipe.fr
En plus des marques et des institutions, la presse se penche également sur cette discipline en plein essor. Il y a quelques semaines, et dans le cadre de son reportage au long cours “Explore”, L’Equipe.fr mettait en ligne un mini-site Génération e-sport entièrement dédié à l’histoire et aux enjeux de cette (pas si) nouvelle pratique. On pouvait y voir l’évolution de l’engouement, depuis 2011 avec première édition des Mondiaux du e-sport dans un amphithéâtre décrépi, jusqu’à 2014 avec un Sangam Stadium (Séoul) plein à craquer. Ces dernières semaines l’Equipe retransmettait également la totalité de la Coupe du Monde d’e-sport.
Les startups prennent le virage du e-sport
Preuve de l’explosion de la pratique et du marché, de nombreuses startups du champ de l’innovation commencent à se positionner sur le créneau du e-sport.
La plateforme Twitch, dédiée de manière générale au streaming, s’est spécialisée dans le streaming de jeux et de tournois de jeux, et s’est positionnée comme un acteur central grâce à de nombreux partenariats avec éditeurs, développeurs et constructeurs (Microsoft et Sony) de jeux vidéos.
Le studio français Nadeo (racheté par Ubisoft), après avoir développé le jeu de voiture customisable Trackmania, qui bénéficiait d’une large communauté en ligne, a pris le parti de développer des titres directement dans une optique de e-sport, en y intégrant tous les outils nécessaires à la mise en place de compétition. Pour preuve, … expliquait à propos de Shootmania, le first-person shooter (tir à la première personne) : “Avec ShootMania, on a été les premiers à l’E3 à organiser une vraie compétition” (à lire sur Jeuxvideo.com). Le jeu est une véritable boite à outil pour pouvoir créer des épreuves protéiformes favorables à la compétition.
Des tournois de esport
Glory 4 gamers est une plateforme web d’organisation de tournois de jeux vidéos en ligne. Elle permet d’organiser des parties multijoueurs pour les jeux auxquels ce n’est pas intégré, mais aussi d’organiser un arbitrage humain pour des parties de e-sport. Enfin, la startup organise des événements physiques (dans un même lieu, et de plus en plus souvent dans des stades et salles de spectacle) et numériques (chacun chez soi, réunis en ligne) sous forme de tournois.
Enrichir l’expérience du spectateur
Matcherino propose une solution de crowdfunding de matchs de e-sport. “Matcherino enrichit l’interaction entre les diffuseurs de jeux vidéo en ligne et leurs fans en fournissant des outils qui poussent l’engagement du public à un niveau supérieur.” explique le PDG Grant Farwell (pour GeekWire).
La startup Byzon Media propose elle l’application Fanster qui permet aux spectateurs d’un événement eSport d’interagir avec le live en cours (chat, échange de photos, statistiques, mini-jeux en temps réel synchronisés avec les événements «live»…). La prouesse technique ici vient surtout de la capacité à faire interagir le live et une communauté massive de spectateurs en temps réel.
Des analytics dans le e-sport
La startup berlinoise Dojo Madness souhaite faire entrer les analytics dans le e-sport. Avec sa première app, LoLSumo (LoL= League of Legends, incontournable jeu de combat en arène à l’univers heroic-fantasy), l’application fouille les informations du jeu en cours et donne à l’utilisateur des conseils tactiques pour l’aider à déterminer ses priorités et progresser dans la partie.
Avec son second produit, Bruce.GG, il est désormais possible de bénéficier de vidéos de ses propres matchs en replay pour mettre en lumière les bons et mauvais coups.
Le e-sportif va-t-il bientôt manier plus qu’un clavier ?
Hors compétition, les jeux vidéos sont depuis quelques années l’objet de profondes mutations. Réalité virtuelle et stations de jeu immersives et sensorielles viennent transformer les pratiques pour que le gameplay des jeux-vidéo soit le plus complet possible et mobilise le corps entier.
Le pionnier Oculus augmente son dispositif
The Climb, par Crytek
Récemment, Oculus, la boite pionnière dans la réalité virtuelle (rachetée par facebook) a complété son dispositif HMD (head-mounted display) par des gants-capteurs. Le 16 décembre, le studio d’édition de jeux Crytek a annoncé la sortie d’un des premiers jeux tirant partie de cette technologie et de cette nouvelle forme d’interaction : The Climb. Il s’agit de simuler la pratique de l’escalade sur des falaises abruptes sur une île paradisiaque. Vertige garanti.
Dans quelques années, ces mutations toucheront peut-être le e-sport. État des lieux de quelques initiatives :
Inclinaisons à 45°, rotations à 360°, immersion totale.
MMone project
Pour les jeux de courses ou de pilotage en tout genre, le MM One project propose un fauteuil et un casque de réalité virtuelle permettent d’immerger totalement le joueur et de lui offrir une amplitude de mouvement sur trois axes. Inclinaisons à 45°, rotations à 360°, l’immersion est totale.
1 heure de jeu, 5 kilomètres, 400 kcal
KatWalk
KatWalk permet d’évoluer dans l’univers du jeu en ayant son corps en mouvement : courir, sauter, se baisser, tous les mouvements sont captés pour être reproduits dans le jeu, dans lequel le joueur est plongé grâce à un casque de réalité virtuelle.
Ici, le jeu vidéo et l’activité physique, au sens dépense énergétique, seraient enfin réunis. Ce qui bouleverserait plusieurs de nos conceptions. Peut-être faut-il y voir ici l’avenir du e-sport ?
S’il est déjà très fort dans certains pays comme en Corée, ou en Chine, le secteur du e-sport en France est en cours de consolidation : les fans ont rapidement franchi le pas de la monétisation, et depuis peu les marques et médias les ont suivi. Le secteur se positionne donc réellement comme un business à part entière.
Reste que dans les mentalités, le e-sport n’a pas totalement quitté sa connotation négative et qu’il reste limité à un cercle encore relativement fermé. Les femmes par exemple sont assez absentes du domaine, la mixité rarement respectée et le sexisme toujours présent.
D’ailleurs sur ce dernier point, l’équipe de Futur en Seine compte bien prendre position. Rendez-vous en juin pour en savoir plus.
En savoir plus :
- – Génération e-sport, L’Équipe Le lien
- – Les femmes et le e-sport, Medium. Le lien
- – Découvrez la Lettre de veille prospective de Cap Digital dédiée au sport et au numérique. 45 pages pour mieux comprendre les dernières tendances et innovations dans le sport, les impacts du numérique sur sa pratique et sa consommation ainsi que ce que nous réserve l’ère du « sportif connecté » (45€) Lien
Millie Servant, chargée de communication web pour Futur en Seine.