INTERVIEW : La Région Île-de-France mise sur le smart

La Région Île-de-France est le premier partenaire de Futur en Seine. Curieux d’en savoir plus sur sa stratégie d’innovation, nous sommes allés interviewer Othman Nasrou, Vice-président chargé de l’Action internationale et du Tourisme à la Région Île-de-France.

De la révolution numérique dans les lycées, au big data pour l’emploi, en passant par la Deep tech en santé, vous saurez tout sur la première Smart Région d’Europe !

Othman NasrouOthman Nasrou, Vice-président chargé de l’Action internationale et du Tourisme à la Région Île-de-France
Crédit photo : Région Île-de-France 

Futur en Seine : La grande thématique de Futur en Seine cette année, c’est l’intelligence, et même les intelligences au pluriel. Comment la Région Île-de-France définirait-elle l’intelligence ?

Othman Nasrou : L’intelligence, au départ, c’est notre capital humain, soit un peu plus de 10 000 agents régionaux. Mais la Région reste une organisation qu’il faut rendre plus intelligente. Tout l’enjeu de notre projet de déménagement du siège régional à Saint-Ouen va notamment dans ce sens : il agira comme levier de transformation de l’administration, un lieu de rencontre ouvert entre les agents et les Franciliens, un lieu de travail collaboratif, plus moderne et plus innovant, avec une organisation hiérarchique et administrative transformée en structure plus transversale. Il intégrera une profonde mutation de notre manière de travailler et de nous organiser : cela passe à la fois par le décloisonnement des services et le télétravail, qui suppose de passer d’un management hiérarchique à un management par projet.

L’intelligence pour la Région, c’est également l’ouverture d’une banque de données publiques régionales, l’Open data, qui permettra à la fois d’améliorer la transparence de l’action régionale et de créer de nouveaux services personnalisés et géolocalisés. C’est pourquoi, au-delà de notre propre transformation, nous agissons aussi pour le développement économique en matière de start-up, d’innovation, de R&D ou de transferts de technologies. La Région est déjà une zone leader dans le domaine de l’intelligence artificielle et nous soutenons l’émergence et le développement de ce secteur porteur sur le territoire francilien.

Fens : L’intelligence artificielle peut-elle transformer l’urbanisme et notre relation au territoire ?

O. N. : En matière d’urbanisme, la Région concentre ses efforts sur ses domaines de compétences : les lycées, les transports, le tourisme, l’aménagement du territoire, l’environnement et la formation professionnelle.

Dans le cadre de la révolution des transports en Île-de-France, nous avons adopté au Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF) le projet de Smart ViaNavigo, une application Smartphone, qui centralisera toutes les données de mobilité en Île-de-France, en prenant en compte l’open data en temps réel et des calculateurs multimodaux prédictifs et prévisionnels du trafic.

Nous utilisons également le Big Data dans la recherche d’emploi et la formation professionnelle, pour croiser les données et pour que les demandeurs d’emplois retrouvent plus vite un travail, près de chez eux. Par exemple, nous pouvons désormais identifier le parcours de différents profils (chômeur, jeune, individu en reconversion), les métiers en tension et les bassins d’emploi, pour permettre une rapide insertion.

Nous soutenons par ailleurs 100 quartiers innovants et e-écologiques intégrant toutes les préoccupations environnementales et les possibilités offertes par les technologies des « Smart Cities ». S’intéresser aux problématiques d’aménagement nous pousse à identifier des lieux où l’on peut visualiser le savoir en intelligence artificielle. Le projet Digitec, lancé sur le campus Paris-Saclay, doit permettre l’émergence d’un grand lieu d’innovation régional  sur l’intelligence artificielle, avec une expertise reconnue dans des projets tels que le véhicule autonome ou encore la robotique et le digital.

Fens : Quels sont les défis des prochaines années pour la Smart Région ?

O. N. : Nous mettons tout en œuvre pour devenir la première Smart Région d’Europe. Qui dit smart dit territoires connectés, c’est pourquoi l’un de nos objectifs est d’installer le Très Haut Débit sur l’ensemble du territoire d’ici 2021, avec des lycées 100% numériques. Outre cette démarche horizontale visant à donner un accès au numérique à tous les Franciliens, nous avons aussi lancé une expérimentation dans huit lycées afin de les convertir en structures intelligentes. Les proviseurs ont pu agir à la fois dans le domaine de l’innovation pédagogique, des bâtiments intelligents ou de la formation du personnel. Nous avons également œuvré à la mise en place d’un véritable réseau social éducatif permettant l’intégration de ressources pédagogiques dans 130 lycées, notamment pour l’apprentissage des langues.

Autre défi, l’accélération de la transformation des entreprises industrielles grâce à la mise en place d’un plan massif de formation à destination des chômeurs pour les former au code, aux compétences nécessaires en matière de numérique. Nous allons aussi lancer pour la première fois à la Région un appel à projets pour des formations professionnelles de codage en ligne (e-learning) à l’été 2017.

Enfin, notre plus grand défi est de sortir des petites expérimentations pour « industrialiser » l’innovation. Globalement, dans les processus « smart », les algorithmes représentent 10% de l’effort, les systèmes d’information 20% et l’accompagnement du changement 70% de l’effort. Mais ce dernier point est encore beaucoup trop inexistant.

Fens : Avec les Paris Region Smart Weeks, l’innovation est au cœur de l’Île-de-France cet été : pouvez-vous nous en dire plus sur la création de ce label et son ambition ?

O. N. : La Région soutenait financièrement de nombreux événements sans suivre de véritable stratégie. Nous avons souhaité une meilleure lisibilité du positionnement régional sur la transformation numérique et pour cela, il fallait créer un temps fort national et international dans la Région Île-de-France, dédié au high-tech et à l’innovation numérique, au même titre que le CES de Las Vegas par exemple, et dans un esprit équivalent à la Fashion week.

Ces Paris Region Smart Weeks auront lieu en juin, et seront ainsi identifiables pour les professionnels et acteurs du secteur. Cela les incitera à se déplacer en Île-de-France à cette période pour pouvoir se rendre à plusieurs événements en une seule fois, tels que Futur en Seine, VivaTechnology, OuiShare Fest, Teratec… Une campagne média nationale et internationale sera lancée autour du 29 mai et toutes les informations sont déjà disponibles sur le site http://smartweeks.info/.

Fens : Que présentera la Région lors de Futur en Seine ?

O. N. : La Région a financé dix prototypes positionnés sur deux thématiques : l’intelligence des objets connectés et l’impression 3D. Parmi les réussites, Biomodex est un bon exemple de start-up intégrée dans son écosystème dans la mesure où elle expose à Futur en Seine, elle est soutenue financièrement par la Région pour son processus d’innovation et elle est intégrée dans l’accélérateur du grand groupe Dassault Systèmes. Par ailleurs, c’est une start-up qui sort du domaine de la seule Tech pour innover dans le domaine de la santé. Dans la mesure où la Région cherche à sortir du pur digital pour favoriser la deep tech, c’est un modèle que nous voulons valoriser, afin de mieux faire connaître la capacité d’action de la Région en R&D publique et privée, ainsi que dans les transferts de technologie.

L’autre projet présenté à Futur en Seine est le FUTUR Lab #Lycées. La Région a lancé un plan d’investissement massif de 5 milliards d’euros pour rénover les lycées. Nous souhaitions lancer une nouvelle démarche dans le cadre de Futur en Seine qui prenne en considération l’intelligence de la multitude dans la transformation de nos institutions. Les lycéens sont donc invités à co-créer leur futur espace éducatif en se demandant comment le numérique va influer sur leurs conditions d’apprentissage. A titre d’exemple, un hackathon a été organisé au sein du lycée Arago (Paris 12ème), pour que les élèves puissent « dessiner leur lycée du Futur, 100% numérique ». La Région pourra financer des pistes d’action révélées par ce hackathon, dans ses prochaines affectations votées en commission permanente.

Pour en savoir plus :

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