[Sport & Innovation] Harder, faster, stronger: Les objets du sport

Cet article est le second d’une série de plusieurs publications “Sport & Innovation”. À suivre sur le blog de Futur en Seine.

Le monde aurait il été fondamentalement différent si Neil Armstrong avait eu un bracelet Fitbit pour ses premiers pas sur la lune ? Si Nixon avait porté un capteur cardiaque pendant le Watergate ?

Marquez d’une croix le mois de juin 2016 dans vos agenda : s’y rencontreront deux événements incontournables sur le territoire français : l’Euro 2016 et Futur en Seine. Pour l’occasion, le festival sort sa raquette connectée et prépare son meilleur smash pour une édition sportive et innovante.

Quantified Self pour tous

Le premier article de la série Sport & Innovation consacré aux sportifs de haut niveau avait montré l’invasion grandissante des technologies dans le suivi des performances des athlètes.

Mais la technologie ne s’arrête pas là et s’invite également chez les sportifs du dimanche. L’écart en terme d’équipement technologique entre le professionnel et l’amateur ne cesse d’ailleurs pas de se réduire, et ce dernier a de plus en plus accès à des outils sophistiqués lui permettant de “mesurer” son activité. Comme le signale Benjamin Carlier (Le Tremplin), “aujourd’hui on considère les amateurs qui courent un marathon en 4h30, et qui vont avoir quasiment les mêmes attentes en termes d’outils d’analyses des performances que ceux qui vont le courir en moins de 3h” (à lire sur le site du Tremplin).

Avec l’essor des smartphones ces dernières années, l’accès aux outils de mesure s’est démocratisé de façon croissante (accéléromètre, giroscope, …) et chacun est maintenant en mesure de tracker son activité et d’en mesurer la fréquence, l’intensité et la progression.

Ici, la technologie n’est pas fondamentalement nouvelle (les podomètres et GPS ont déjà quelques années), mais elle s’invite maintenant dans la poche de nombreux individus et nous accompagne dans notre mobilité au quotidien et vient modifier nos habitudes.

Des équipements fixes ou mobiles au plus près du quotidien

You can’t manage what you can’t measure”. Appliquée au sport, cette célèbre formule du management explique en quelques mots tout l’intérêt que l’on porte à l’auto-mesure de soi. Nutrition, sommeil, exercice physique, bien-être, nous sommes de plus en plus nombreux à paramétrer volontairement la capture et circulation de nos données personnelles.

La porte est alors ouverte aux autres objets connectés : la raquette Babolat, la smart ball d’Adidas, mais aussi la collection d’objets de Withings, le tracker à vélo Haiku (ex-Bike Assistant) et la Leaf de Bellabeat (que vous avez pu tester pendant Futur en Seine 2015) … chaque sport a maintenant son allié numérique.

Publicité TV actuelle pour Fitbit

Nous accompagner au quotidien : tel semble être l’objectif de nombreux d’entre eux. Plus qu’une technologie, c’est un mode de vie et de pratique de l’activité qui accompagne le capteur. À la différence des traditionnels podomètres pour randonneurs, c’est ici moins la précision de la donnée captée qui importe que l’ergonomie de l’objet et sa capacité à nous accompagner dans un style de vie “actif”.

Le bracelet connecté Fitbit par exemple, a clairement vocation à être non plus seulement dédié à la pratique occasionnelle du sport mais au contraire à l’encourager au quotidien. Par son design et sa technologie, il se fait rapidement oublier : souple, ergonomique, léger et résistant, il est également conçu pour avoir une autonomie de plusieurs jours et un système synchronisation automatisée avec le smartphone.

Le bracelet accompagne également son utilisateur avec une expérience personnalisée : statistiques, recommandations sur mesure, encouragements, objectifs et challenges, il transforme l’expérience sportive de manière ludique et motivante.

Tapis de Yoga connecté Tera, par Lunar

De la même manière que Fitbit, le tapis de yoga connecté Tera de Lunar (2014) vise non pas la simple performance technologique mais la capacité à prendre place dans la vie de tous les jours de ses utilisateurs. Le but n’est pas d’inciter à une utilisation ponctuelle, mais d’en faire un objet présent au quotidien dans la vie de son utilisateur. Bien qu’intégrant une panoplie complète de fonctionnalités (multi-activité (yoga, pilates, etc.), contrôle du poids, renforcement musculaire, etc.), Tera se revendique avant tout un tapis design. “Tera is almost like a really stylish carpet. (…) It should blend into your normal life” (“Tera est presque comme un élégant tapis (…) Il doit se fondre dans votre vie quoditienne”) explique le co-fondateur de Lunar, Roman Gebhard (pour Wired).

Hardware VS software ?

Débarqués depuis peu dans les rayons de nos grands magasins high-tech (la FNAC, Boulanger, et même Castorama) et des chaînes de téléphonie (Orange, SFR, Bouygues), ils représentent un pourcentage grandissant des dépenses high tech des Français : 1% en 2013, 3% prévus en 2016 (Xerfi – 2014). Le chiffre d’affaire de ce secteur augmente d’ailleurs de 50% chaque année :  150 millions d’euros en 2013, 500 millions en 2016 (Xerfi – 2014). À l’horizon 2020, le secteur vaudrait 75 milliards d’euros (Morgan Stanley, 2013 cité par la CNIL).

Ceci étant dit, le modèle économique propre aux objets connectés ne satisfait pas tous les acteurs. Certains d’entre eux délaissent la vente de hardware pour se consacrer au software et à la data, notamment via l’applicatif gratuit. C’est le cas de Rossignol avec sa Ski Pursuit App, mais aussi de Nike qui a choisi en 2014 de stopper ses ventes de bracelets connectés pour se consacrer au développement de l’application Nike+. De la même manière, Jawbone, un des leaders du tracking d’activité avec ses bracelets connectés, se positionne désormais avant tout comme une entreprise de logiciels et de production de données.

Ski Pursuit App • Rossignol

C’est notamment le cas de Rossignol et de sa Ski Pursuit App. Plutôt que de commercialiser des fixations connectées pour skis ou snowboards, comme peut le faire CEREVO avec son Xon Snow, Rossignol fait le choix de l’applicatif gratuit.

En se servant uniquement des capteurs intégrés aux smartphones, l’application permet de visualiser la vitesse maximale et moyenne du skieur, la distance parcourue et la durée, mais aussi le dénivelé positif (montée) et négatif (descente). La visualisation est riche et propose tant une version timeline qu’une vue 3D de la trajectoire avec l’aide de Google Earth. S’ajoute à tout cela une dimension sociale et communautaire proposée par simple connexion à Facebook.

Les boosters : le jeu, le social, le gain

Si la pratique du sport est souvent motivée par le tracker lui-même, l’activité et l’utilisation de ce dernier sont également motivés (et maintenus dans la durée) par plusieurs facteurs, dont voici quelques exemples appliqués au running (à lire dans la Lettre de veille de Cap Digital) :

             Zombies, Run!

  • – Le jeu ou la gamification : L’application Zombies, Run! par exemple, plonge son million d’utilisateurs dans un univers infesté par des zombies qu’il faut semer par la course (accélérations, missions, etc.).
  • – Le partage social : Concurrencé par Nike, Adidas a répliqué avec le lancement de la Boost Battle Run, mettant en concurrence 10.000 coureurs parisiens rassemblés par quartiers. Dernièrement, UNICEF a mis en place la première “World Runconnectée pendant laquelle les participants ne sont pas physiquement ensemble mais cumulent leurs kilomètres parcourus.
  • – Le gain : C’est le credo de Running Heroes qui offre la possibilité de gagner des bons d’achats chez un ensemble de boutiques partenaires en cumulant des points via la course à pied.

L’usage de la Data

Pour les entreprises, ces applications sont des occasions rêvées pour toucher les cibles les plus réfractaires aux canaux de communications traditionnels, et vendre les produits en rayon. Mais pas seulement.
En accompagnant ses utilisateurs dans leur activité, les entreprises captent et collectent des millions de données sur les pratiques sportives de leurs potentiels clients, avec plusieurs objectifs en tête :

  • – Affiner la proposition commerciale : pouvoir mesurer précisément les pratiques de sa communauté de clients permet à chaque marque d’adapter son offre pour la faire coller au plus proche des besoins.
  • – Revendre des données : Aux États-Unis, le pas a déjà été franchi : les grandes compagnies d’assurances UnitedHealth Group, Humana, Cigna et Highmark proposent depuis 2014 des réductions sur leurs tarifs basées sur les données des bracelets Fitbit des assurés. Si en France le sujet reste tabou pour l’instant, et interdit grâce à la loi Informatique et libertés de 1978, des tests ont déjà lieux, notamment par Axa qui propose des chèques santés pour les meilleurs marcheurs. (Lettre de veille de Cap Digital)

Limités aux trackers d’activité, les usages de la data peuvent déjà avoir un impact considérable. Mais étendue à tous les types de trackers, les conséquences pourraient être bien plus importantes. C’est ce que l’on appelle le “wearable computing” : les lunettes voient la même chose que mes yeux, la montre connaît mon pouls et ma température… et bientôt pourquoi pas mes ondes cérébrales ? Présentés lors de la dernière édition de Futur en Seine, les casques d’électro-encéphalographie (EEG) Melomind et Neuronaute sont aujourd’hui créés à destination du grand public. Quel sera l’usage des données captées ?

Mais alors que certains projets dénoncent déjà les possibilités de hacking ouvertes par ces innovations (à l’image de PlaceRaider), la progression vers le tracking poursuit sa lancée. Anders Colding-Jorgensen, professeur de psychologie à l’Université de Copenhague, explique ainsi qu’“avant 2022, vous et moi mettront à jour les données concernant nos fonctions corporelles aussi régulièrement que nous mettons à jour nos statuts Facebook” (Cahier Innovation et Perspective du CNIL)

Petit à petit, les technologies se fraient un chemin sous notre peau : en 2015, Futur en Seine accueillait et questionnait les enjeux de la première implant party sur le sol Français. Est-ce là que l’avenir du quantified self se jouera ?

Aller plus loin :

  • Découvrez la Lettre de veille prospective de Cap Digital dédiée au sport et au numérique. 45 pages pour mieux comprendre les dernières tendances et innovations dans le sport, les impacts du numérique sur sa pratique et sa consommation ainsi que ce que nous réserve l’ère du « sportif connecté » (45€)  Lien

Millie Servant, chargée de communication web pour Futur en Seine 

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